Carnet de voyage : Le tour d'Île-de-France à pied - Partie 1
Parisien d’origine, Michaël est administrateur territorial et consultant en développement économique. Il a travaillé pour plusieurs territoires en France dans le cadre de ses missions à l’Institut national des études territoriales (INET) avant de servir 3 ans à Grand Paris Sud Est Avenir en tant que fonctionnaire. Il travaille actuellement au sein du cabinet EY Consulting au service de territoires tels que Le Havre et Marseille. Passionné de randonnée, il promeut un rééquilibrage économique et social entre les territoires, dans le Grand Paris, en Île-de-France et partout en France.
Le Tour d’Île-de-France à pied. L’expérience d’un dépaysement radical à une demie - heure en train de Paris.
On l’a vite oublié, mais il fût un temps où le Gouvernement avait limité nos déplacements à un rayon de 100 km autour de nos lieux de résidence. Cette mesure avait créé une contrainte forte sur nos libertés, difficile à supporter, mais aussi propice à des expériences nouvelles.
L’Île-de-France n’a jamais été la première destination vers laquelle se tournent mes désirs de voyage, comme c’est le cas d’ailleurs pour beaucoup de Franciliens et de Français.
Habitant à Paris, j’aspirais à la mer, à la montagne et au soleil dont je manque dans ma ville, ce qui m’a naturellement porté vers la Bretagne, le Pays basque, l’Auvergne, les Alpes, la Côte d’Azur, la Corse…
Mais, quand j’ai été astreint à un périmètre de 100 km autour de Paris pour voyager, l’Île-de-France m’est apparue sous un autre jour, celui d’un potentiel terrain de jeu et d’évasion, et la perspective d’en faire le tour à pied, comme une petite révolution, celle de parcourir ma propre région.
Après trois mois de confinement ferme, on avait tous envie de sortir librement, de respirer, de se mettre au vert, et de profiter du printemps. On pratiquait régulièrement la randonnée, on avait lu quelques articles de Enlarge Your Paris, et un hors-série du Parisien sur Les plus beaux villages d’Île-de-France.
En recoupant tout ça avec les cartes de l’IGN (Institut géographique national), le tracé du sentier de Grande Randonnée (GR 1), et les quelques jours de repos qu’on avait devant nous, on a jeté notre dévolu sur le tronçon entre la forêt de Fontainebleau et celle de Rambouillet pour commencer.
C’est ainsi qu’avec ma partenaire, nous avons décidé de nous lancer dans un tour d’Île-de-France à pied, dès les premiers jours du déconfinement, lors d’un beau week-end à pont de mai 2020. Partis de Gare de Lyon, on est arrivés à Bois-le-Roi en 30 minutes de train, et, un quart d’heure plus tard, on s’est retrouvés à marcher à l’ombre des arbres de la forêt d’exception de Fontainebleau, reconnue réserve de biosphère par l’UNESCO.
L’Ile de France à pieds : un voyage buccolique à quelques encablures de Paris
Après quelques heures, on a atteint Barbizon, qui fut, pour la petite histoire, terre d’accueil d’artistes parisiens fuyant l’épidémie de choléra en 1849.
De Fontainebleau à Rambouillet, de Rambouillet à La Roche-Guyon, de la Roche Guyon à l’Isle-Adam, de l’Isle-Adam à Chantilly, de Chantilly à Meaux, de Meaux à Melun, en passant par les parcs naturels du Gatinais, de la Vallée de Chevreuse, du Vexin, du Pays de France et de la Brie, les sentiers du GR 1 étaient déserts la plupart du temps.
Une intense sensation de liberté, de nombreuses aventures et apprentissages, l’Ile de France s’est révélée être un territoire rempli de mystères et propice à l’aventure.
Voyager à pied permet de côtoyer des endroits qu’on ne voit pas autrement. On peut rencontrer les personnes que l’on croise. On passe par les centres et les périphéries, les pôles et les marges. On avance à un rythme qui laisse le temps d’observer, de réfléchir et de comprendre le territoire.
Domaines et châteaux royaux, abbayes légendaires, forêts immenses, animaux domestiques et sauvages, champs à perte de vue, agriculture, industrie, zones d’activités, logistique et stations épurations, villes moyennes périphériques, petites bourgades désertes, bidonvilles en entrée de ville, grandes infrastructures (lignes à très haute tension, autoroutes, chemins de fer à grande vitesse…)
On perçoit tous les contrastes, tous les non-dits et tous les paradoxes de notre société et de son développement territorial.
On a aussi pu profiter des terroirs et de la gastronomie hérités des anciens pays (le Gâtinais, le Hurepoix, le Mantois, la Brie, entre autres…) dans des boutiques en circuits courts ou des restaurants locaux.
On a rencontré les habitants de ces territoires, ceux qui nous hébergent et ceux qu’on croise, avec leurs modes de vie et leurs loisirs qu’on pratique rarement à Paris intra-muros : chasse, pêche, équitation ; balade en quad, jardinage, tonte de pelouse et barbecue …
On ne s’attendait pas, en tant que Parisiens, à un tel dépaysement, à une demi-heure et des poussières en train des grandes gares parisiennes.
Las des files d’attente et de la congestion parisiennes, on s’étonne et on se réjouit de croiser aussi peu de randonneurs sur les sentiers, pourtant bien balisés et cartographiés grâce au travail remarquable des bénévoles de la Fédération française de randonnée (FFR).
Et de fait, à en juger par le classement des topoguides de grande randonnée les plus prisés, le GR 1 est loin d’être le plus couru -ou plutôt, marché- de France. Il offre pourtant un vaste champ de découvertes et d’activités, au départ de Paris ou d’ailleurs, en arrivant à pied, en train ou en voiture ; à la journée, au week-end, sur une ou plusieurs semaines. Ce petit carnet de voyage en est un témoignage, une illustration, qui ne prétend ni acquérir valeur d’exemple ou de guide, ni épuiser toutes les possibilités qu’offre ce tour.
Méconnues et peu ancrées dans la culture francilienne contemporaine, ces randonnées pourraient pourtant faire du bien à pas mal de monde dans la région. A ceux qui ont besoin de faire de l’exercice mais pas la condition physique pour faire des sports trop intenses. A ceux qui ont besoin de grand air, de grands espaces et de nature pour respirer un coup, mais pas assez de temps et d’argent pour se prévoir des trips au loin, au soleil, à la mer ou à la montagne tous les week-ends. À ceux qui s’intéressent à l’histoire, à la culture et aux territoires, et qui sont curieux de voir à quoi ressemblent celles et ceux d’Ile-de-France aujourd’hui, au présent, et sur le terrain. A ceux qui ont envie de mieux connaître leur région, et de mieux comprendre pourquoi ils peuvent en être fiers.