Le Bénéfice de la désillusion
Ariane Ahmadi, conseillère en communication politique, évoque comment la désillusion peut être un moteur pour l'action politique.
Le Bénéfice de la désillusion
L'illusion est un mirage. Au loin, elle peut exister. Mais, plus on s'approche, plus elle se dévoile de façon criante, révélant sa banalité devenue grossière dans les yeux de celui qui, un temps, à cru y voir une promesse.
Le temps de la désillusion, que d'aucuns considèrent comme mortel et d'autres comme menaçant, est, en réalité, s'il est correctement utilisé, le temps de la remise en question, foyer de la créativité.
Le deuil de ce qui a été, peut alors devenir un tremplin pour faire face au réel tel qu'il est, et agir en conscience.
La mort d'une croyance implique inévitablement un temps d'introspection que l'illusion permettait d'éviter grâce à l'oubli, la fuite ou le déni.
Cette nudité du réel auquel la désillusion nous contraint fait éternellement advenir une rencontre entre nous-même et nos propres illusions. Un face à face frontal avec ce à quoi l'on est pas encore prêt à renoncer. Un match entre notre moi passé, et notre moi idéal : une révélation de nos résistances à changer.
La désillusion constitue ainsi le récit individuel et collectif de la quête d'équilibre entre nos idéaux, la réalité et la contrainte sur notre action. La désillusion est l'expression de notre impuissance.
L'action comme volonté et exigence de conformité à soi et aux autres.
Agir dans ce cas-là n'est plus uniquement un acte de résistance, de lutte, mais un acte d'engagement. Désillusionné, je décide d'agir parce que je ne peux me résoudre à la mélancolie, par une révolte de ma volonté.
En se "cognant au réel", l'action est la voie de résolution de cette distance qui nous maintient éloigné du monde de nos rêves.
Cependant, l'énergie dépensée et stockée jusque-là pour faire vivre les combats ne meurt pas pour autant. Elle est transférée vers une énergie vitale qui repose sur le désir et non plus sur la colère ou la frustration.
Mêlant désir et responsabilité, âme d'enfant et d'adulte, l'action individuelle et collective peut alors devenir synonyme de volonté, d'une pensée tournée vers l'action.
La lutte se transforme en détermination pour un objectif donné, la rage de vaincre devient rage de vivre.