Ça veut dire quoi s'engager?

Entretien avec Antoine Jochyms, Co-fondateur de la plateforme Open Politics.

Pouvez-vous nous dire en quoi consiste Open Politics?

Open politics est un incubateur politique, une école de formation à l’engagement politique gratuite et apartisane, ce qui signifie qu'elle est indépendante des partis politiques. Notre objectif est de doter les citoyens les codes et le réseau nécessaires pour embrasser la carrière politique.

Comment en êtes-vous arrivés à créer Open Politics?

On est parti de trois constats.

  • Les partis ne jouent plus le rôle de formation à la politique et à ses métiers.
  • Répondre à l'envie croissante d’acquérir des outils sans prendre d’étiquette partisane pour autant.
  • Pour s’engager en politique, il faut des codes, des outils et du réseau et tout le monde ne les a pas.

Ce mot "codes" est très utilisé : c’est quoi les codes en politique, selon vous?

Il existe des codes implicites et explicites. Comment se comporter en politique dans un collectif en fait partie. Par exemple, nous définissons chez OP (Open Politics) entre autres choses l'engagement au regard de l'assiduité des participants : nous exigeons que les personnes en formation assistent aux séances. Comprendre l'écosystème dans lequel on évolue est aussi un prérequis essentiel en politique : c'est pour cela que nous tenons à la diversité de nos profils tant au sein des intervenants que des promotions. Enfin, s'engager en politique est difficile : nous essayons dans le choix de nos intervenants (stratèges politiques ou politiques ayant eu des carrières longues) de les informer des obstacles qui parsèment les carrières politiques et de les aider à mieux les apprivoiser avant de se lancer.

Pourquoi avoir choisi de créer un incubateur de formation à la politique, à un moment où elle est particulièrement critiquée et désaimée?

Je ne suis pas forcément d'accord avec ce constat. Les jeunes sont très politisés: il y a un désamour de la politique telle qu'elle a été, c'est évident, mais un fort engagement des jeunes dans le monde associatif. La demande est de ne pas laisser la politique toujours aux mêmes. J'ai choisi de former à la politique car je pense qu'in fine, c'est elle qui peut le plus changer la société, changer véritablement et concrètement la vie des gens.

Beaucoup des participants de vos promotions entrent dans les carrières professionnelles liées à la sphère politique. Comment les formez-vous, quelle est votre marque en la matière?

La mission d'OP est d'encourager / accompagner les personnes sur trois points.

  • Le sens de la nuance (c'est pour cela que la formation est apartisane)
  • Le sens de l'Intérêt général au regard des exigences de la politique
  • Le sens du temps long : construire une vision sur les décennies à venir

Quelle définition donneriez-vous à l'Engagement?

Je dirais qu'il s'agit de donner de soi-même pour améliorer le monde autour de soi.

Pourquoi avoir toujours ce besoin d'un engagement à but non lucratif, pour l'intérêt général en plus de vos études et de votre carrière professionnelle?

Il y a toujours une part peu égoïste dans ce besoin-là : c’est une passion, ça donne de l’énergie. Pour moi, c'est même un peu vital ce besoin de chercher et de trouver des solutions à des problèmes qui minent les gens. Sans ça, personnellement, je m’ennuie, je dirais même que je dépéris...

Vous qui êtes co-fondateur d'Open politics vous feriez de la politique?

Bien sûr mais plus tard, dans cinq, dix, quinze, vingt ans...Ce n'est pas le seul sujet qui me passionne d'ailleurs en matière d'engagement. Pour la politique, je crois qu'il s'agira aussi d'une question de timing : attendre le bon moment et la bonne personne pour m'impliquer sérieusement.

Et puis j'ai une autre part de moi qui sait à quel point la politique est un monde très dur, très violent, et qu'il faut être un peu fou pour faire de la politique. Dans le secteur privé où je travaille, ils ne comprennent pas, ils me disent « tu vas tout perdre, il n'y a rien à y gagner ».

D'ailleurs cette notion de perte et de gain en matière d'engagement politique qu'en pensez -vous?

Quand on s’engage en politique, quand on a une vision, on fait tout pour la mettre en place et pour cela il faut être élu. L'arbitrage perte/gain est donc inhérent à la politique.
Je crois qu'il faut réussir à dépasser ça : c'est possible en y travaillant avant d'être élu, c'est plus difficile ensuite. La politique change les gens : dépasser l'arbitrage gain/perte est un enjeu fondamental une fois qu'on est rentré dans la compétition électorale.